mardi 11 août 1970

Le Moring et La Croche nés dans la lutte du peuple réunionnais

Le Moring et La Croche nés dans la lutte du peuple réunionnais
Publié le par Baal-Laverdure
Les paroles du Roi Marron Diamparé concernant sa dangerosité et son invincibilité, dans les "jeux de mains" , furent rapportés au grand publique des années plus tard par le journaliste abolitionniste et écrivain Eugène Dayot (1810-1852), à travers ses nombreux ouvrages sur le marronnage. La période esclavagiste , voit la levée de nombreux guerriers résistants, nés sur l'île ou arrivés dans les cales des navires négriers. Beaucoup n'acceptèrent pas leur condition d'esclave. C'est ce sentiment de refus et de fierté africaine mêlé au relief réunionnais avantageux pour les marrons, qui donna naissance à la plus grande épopée de l'histoire réunionnaise. Le marronnage avec ses Rois, ses Reines, ses Chefs, ses lieutenants, ses Caïds...

Ne souhaitant pas être une éternelle victime, l'esclave qui se rebelle doit en premier lieu apprendre à se défendre face à l'oppresseur coloniale. C'est de cette volonté première d'auto-défense qu'est né l'art du Moring . Les historiens disent que le terme Moring aurait été repris de la boxe malgache "Moraingy". A travers la traite négrière qui sévit dans l'océan Indien et à la Réunion, les déportés Sud-Est-africains (Mozambique, Madagascar, Afrique du Sud, Zimbabwé) ou Ouest-africains (principalement Angola et Congo) , ramenèrent avec eux des rites et des pratiques. Ces derniers s'adaptèrent au nouveau lieu insulaire qu'est La Réunion. Des descendants de grands guerriers Zoulou sud-africains, Bambara zimbabwéens, Makua mozambicains, Malgaches de l'île Sainte-Marie et de la Grande Terre, des guerriers malaisiens, d'Indonésie mélangèrent leurs connaissances de l'art de la guerre pour permettre l'émancipation de la population esclave sur l'île. Des grands noms de Rois et Reines marrons ont traumatisés nombres de colons , de part leur habilité au combat , Matouté dit le Rusé, Diamparé, Marianne dit La Terrible, Sakalav Samson , Phaonce dit l'étrangleur. Le Moring était officiellement interdit par le code noir, code qui se déclinait à la Réunion sous son aspect le plus dur, les lettres patentes. Tout comme pour la Capoeïra brésilienne ou le Danmyé Martiniquais , une parade fût trouvée pour contrer l'interdiction de cette pratique sur les plantations ou près des usines. Les esclaves dans leur génie prétextèrent danser, lors de la pratique de cet art ! Oui , danser ! Les propriétaires intrigués , remarquèrent en effet , qu'aucun des esclaves ne se touchaient lors de ces manifestations guerrières derrière les usines ou dans les champs, au son du roulèr. Cette danse était en réalité un entraînement régulier et le colon esclavagiste fût tourné en dérision . Après l'abolition de 1848, de grands noms de guerriers comme le célèbre moringuèr malbar Virin , continuèrent à se faire une place dans le Moring.L'art martial s'est peu à peu ouvert à d'autres communautés, pas forcément descendantes d'esclaves ou d'engagés. tout comme le maloya , la musique issue des esclaves, le Moring fût persécuté par le gouvernement coloniale, affirmant que c'était un art martial meurtrier. Malgré cela, la résistance des anciens contribua à la préservation de cet art de combat , grâce à eux des associations comme Moring angola peuvent aujourd'hui encore transmettre le savoir des guerriers marrons aux élèves réunionnais.

Le Moring est un art inspiré des traditions guerrières africaines, mais il est une lutte à la Réunion , qui est endémique à l'île même. Ce qui signifie qu'elle n'est ni originaire, ni importée d'aucune autre contrée. On dit que la croche est né au 19 éme siècle dans les quartiers pauvres ou bidonvilles réunionnais. Cette lutte traditionnelle 100% réunionnaise , serait issue des défis que se lançaient différents groupes d'adolescents ou enfants. Ces derniers dans leur âge de puberté souhaitaient s'affirmer et montrer leur force. La croche se pratiquait souvent dans l'herbe ou le sable des plages. Traditionnellement cette lutte se pratique jusqu'au sol, jusqu'à ce que l'adversaire cri "la paix" , "arrête" ou qu'il tape sur le sol. A travers ses projections spectaculaires, elle devient très vite une discipline très appréciée par le peuple mais bientôt submergée par les sports de combats venus de l'extérieur. La croche se voit décliner au courant des années 70. La lutte réunionnaise revient néanmoins en force depuis quelques années , notamment à travers le retour de son championnat organisé en 2008 et des premiers championnats de l'Océan Indien en 2012, où différents crocheurs se sont mesurés.

Nos enfants ont tout ce qu'il faut à l’intérieur d'eux-mêmes et sur leur île pour développer leur esprit de combativité. Nos anciens nous ont laissé des portes de sortis et de nouvelles voies vers l'avenir. Si nous continuons à snober , à rejeter ce qui est en nous , alors l'extérieur mangera et rongera l'intérieur , laissant un vide et une insatisfaction permanente en chacun d'entre-nous !

Baal-Laverdure

Dédicacé au malbar Virin et au cafre Sans Nom !
Images d'époque , datant du début du 20 éme siècle .
Images d'époque , datant du début du 20 éme siècle .

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